samedi

A rebours, J.K. Huysmans

Comme j'ai pu le raconter ailleurs, j'attendais beaucoup de la lecture ce roman important dans l'histoire de la littérature. 
Ce roman incarnait à lui seul un signe mystique que ma vie devait se passer là où je l'avais trouvé: à Rome, ma plus belle ville du monde. 
Mais en fait j'ai détesté! C'est ballot!





Des Esseintes, le héros, ne fiche rien, n'attend rien, à part décorer la carapace d'une tortue de mille pierreries jusqu'à ce qu'elle en périsse sous le poids, ou mettre des dizaines de pages à choisir les accords de teintes de son nouveau papier peint, ou créer des symphonies d'odeurs (il faudra le lire pour comprendre ce que ça signifie- quoique ça ne signifie rien d'autre que ça, vous voyez le genre!), ou des bouquets, ou s'affairer à des lectures médiévales pointues, ou à des collections d'oeuvres d'art entre El Greco et Gustave Moreau (tout ce que je déteste, comme quoi il y a une cohérence d'incompréhensibilité entre Des Esseintes et moi).





Il s'ennuie, nous ennuie et cela résume tout ce que l'auteur veut nous dire sur la vacuité de la vie, ce que je lui accorde par ailleurs bien volontiers.


A noter que le héros semble s'inspirer dans une très large mesure de la vie et l'oeuvre de Robert de Montesquiou (le Charlus de Proust), un célèbre dandy (le dandy). Un professeur de beauté, d'après Proust. Voilà voilà.



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A rebours, J. K. Huysmans (1884).

D'autres romans ou auteurs contemporains ou affiliés à Huysmans que je déteste? Salammbô, de Flaubert (1862). Léon Bloy (bien costaud dans son genre). Villiers de L'Isle-Adam. Chateaubriand.

D'autres romans ou auteurs contemporains ou affiliés à Huysmans que j'adore? Zola. Oscar Wilde. Flaubert.

jeudi

Sur la plage de Chesil, Ian McEwan

Angleterre, 1962.
Un hôtel "situé à un kilomètre et demi d'Abbotsbury dans le Dorset, à flanc de colline derrière le parking de la plage".
Florence et Edward s'apprêtent à passer leur nuit de noces, accessoirement leur première nuit ensemble et surtout leur première expérience sexuelle tout court. 
L'amour, l'émotion, la joie. 
Sauf qu'on est seulement en 1962, et que si d'ici quelques années tout va changer, pour l'instant, un énorme nuage de pudeur et de conventions plane au-dessus des deux amoureux et de leur rôti sauce brune.


En 175 pages, on découvre tout ce qui réunit les deux héros, tout ce qui les sépare, leur enfance, leur rencontre, leur futur, et tout au long de la nuit de noces, les progrès qu'ils effectuent déjà l'un et l'autre pour s'accommoder de la situation étrange quand un corps d'homme (et tout particulièrement son pénis tumescent) se confronte à un esprit de femme et inversement. 
Malheureusement ça ne suffira pas. 
Ce trop court roman offre l'avantage d'être lu en une après-midi tranquille et délicieuse, ponctuée de quelques éclats de rire.


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Sur la plage de Chesil, Ian McEwan (2007).

Un autre roman trop bien de Ian McEwan: Expiation (2001), adapté en le film bien cucul mais néanmoins délicieux Reviens-moi (2007).

Un autre auteur britannique qui a parlé des entraves de la société puritaine à l'épanouissement sexuel des couples mariés dans les années 60: David Lodge, notamment dans La chute du Britsh Museum (1965). Son univers ne s'arrêtant pas à cette question, avec toute une série sur les milieux universitaires anglais et américains très très très drôles.

mercredi

Le coeur est un chasseur solitaire, Carson McCullers





Dans la triste moiteur d'une ville du Sud des Etats-Unis, 1938.
Il y a Mick Kelly, la grande fille qui se cherche en musique. 
Et aussi le Docteur Copeland, un vieux médecin noir, communiste et malade.
Singer, le mystérieux sourd-muet qui est de toutes les conversations et qui écoute tout le monde mais se morfond sans son ami.
Jack Blount, le syndicaliste alcoolique qui répare les manèges.
Biff Bannon, le bistrotier veuf, soigné et pédophile.
Portia, l'employée de maison noire qui a'ondit les angles.
Baby, la mini-miss.
Harry, l'adolescent juif qui rêve de tuer Hitler.
Il y a aussi William, Antonapoulos, Ralph, Highboy, Alice, Mickey Mouse...



Ils se croisent, se parlent, ne se comprennent ni ne s'entendent.
Il y a la crise, la ségrégation, l'alcool, la misère, les accidents, le désespoir, la solitude, la violence policière, la maladie, la mort.
Il y a des pieds sciés, un coup de fusil accidentel, des injures et des violences sur un vieil homme à terre, un suicide, une bagarre sanglante.

Très peu d'espoir, un peu de musique, d'amitié, et Karl Marx.




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Le coeur est un chasseur solitaire, Carson McCullers (1940).

Un court roman de la même auteur avec des questions sur le sexe: Reflets dans un oeil d'or (1941) (adaptation cinématographique avec Elizabeth Taylor, ce que je ne savais pas en le lisant, mais c'est pourtant à elle que je pensais!).

Mon premier film préféré de ma vie sur fond de ma première chanson préférée de ma vie avec mon premier habit préféré de ma vie (la marinière) adapté de Frankie Addams (1946) de Carson McCullers: L'effrontée, Claude Miller (1985).



dimanche

Le dernier des Camondo, Pierre Assouline

J'aime bien Pierre Assouline, mais pas trop.
Ca commence bien.
On sent que ça va être bien étayé, comme point de vue, et d'une rigueur intellectuelle implacable, en plus.


Donc, Le dernier des Camondo.
Il s'agit d'une biographie familiale, puisque l'auteur reprend toute l'histoire des ancêtres, nuancée par des suppositions, pour cause d'archives limitées et de temps toujours troublés.
En effet, il recherche plus ou moins les traces de la diaspora des Camondo depuis le Moyen-âge, selon leurs expulsions,  d'Espagne en 1492, puis de Turquie ou de Venise, pour arriver à Paris à la fin du XIX, époque La Curée de Zola.




C'est très intéressant, mais un peu chiant. (j'avais prévenu)


Le texte est très froid, alors qu'il y a une puissance terrible dans cette histoire se déroulant dans une France d'en haut fermée sur elle-même, antisémite, raciste, et ce pauvre bougre très attaché à la France de Voltaire, collectionneur (son hôtel particulier reste un musée d'arts déco) abandonné par sa femme, endeuillé de son fils mort en 17 à la guerre, et lui survivant, sa fille et sa descendance, disparues peu après lui dans les camps en 43...
Il ne s'arrête pas sur un seul homme ou une seule famille, mais donne également un aperçu fascinant du milieu des riches et nobles juifs de cette époque, les Pereire, Cahen d'Anvers, Rotschild, et de leur place et statut, notamment au coeur de l'affaire Dreyfus et à l'approche de la guerre.


Mon problème avec ce bouquin vient du style, avec des passages un peu laborieux, c'est dommage, surtout pour une biographie d'un type inconnu du grand public: on sent l'auteur surnager dans une mer d'archives auxquelles il se veut fidèle, il a de l'empathie pour son héros mais un peu trop de pudeur... En même temps, ça correspond à la personnalité de Moïse de Camondo: un type blessé mais digne, pas très expansif et sans doute pas franchement rigolo.


Donc comme dit plus haut avec un sens du résumé rarement égalé, ça pourrait être très intéressant, mais c'est surtout un peu chiant.





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Le dernier des Camondo, Pierre Assouline (1997).

Une polémique actuelle fascinante à laquelle prend part Pierre Assouline: Jean Jardin

Je n'ai lu aucun des bouquins au coeur du sujet mais j'ai quand même un avis, la vie est bien faite! 

A titre personnel, je trouve Alexandre Jardin hyper cucul, mais il me paraît extravagant de faire du directeur de cabinet de Laval entre 42 et 43 un résistant de l'intérieur un peu naïf qui ne savait pas ce qu'allaient devenir les juifs arrêtés par les autorités françaises et remis aux allemands. Autant réhabiliter Pétain et pourquoi pas Hitler aussi, en passant. Cela étant dit, je vais me pencher sur la question avec plus d'honnêteté et lire (un jour) les ouvrages cités ci-après.

A lire pour savoir de quoi on parle: 
Le Nain Jaune, de Pascal Jardin (1978).
Une éminence grise - Jean Jardin (1904-1976) , Pierre Assouline (1986).
Des gens très bien, Alexandre Jardin (2011)



jeudi

Accordez-moi cette valse, Zelda Fitzgerald

Plusieurs problèmes de taille se sont posés à moi à la lecture de ce "roman", sorte de préfiguration de l'auto-fiction à clés (recherche Francis, recherche Ernest...).






D'une part, j'ai toujours détesté son mari, Francis Scott Fitzgerald; étant donné qu'elle aussi, je pensais que ça nous ferait un point d'entente mais en fait non.

D'autre part, elle souffrait de troubles psychiatriques importants (en tout cas elle a passé du temps en HP, où elle mourût d'ailleurs dans des conditions horribles) (dans un incendie pour tout dire, un truc affreux), et à l'époque où elle rédige ce texte, elle est déjà internée, ce qui doit expliquer ce nombre ahurissant et le style complètement halluciné de ses métaphores. Du jamais vu, on croirait lire des poèmes écrits en mode automatique par un lycéen sous acide. A un moment, ça s'arrête et on reprend le fil, David (Francis) est égoïste et mesquin, Hataway (Hemingway) un connard fini, etc.


Enfin, il semblerait que Francis (l'égoïste mesquin) ait outrageusement tronçonné dans les écrits de Zelda (le manuscrit original, son journal, ses nouvelles) et pillé la plupart des bons passages pour étayer ses propres textes. Comme quoi j'avais raison de le détester.

Cela étant, je conseille la lecture pour toutes les femmes qui s'imaginent pouvoir devenir ballerine à vingt-cinq ans passés (ce qui réunira bien peu de personnes, je le crains).




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Accordez-moi cette valse, Zelda Fitzgerald (1932).

Un autre roman également sur le même sujet écrit de l'autre point de vueTendre est la nuit, de Francis Scott Fitzgerald (1934), mari de Zelda.


Un autre roman écrit par Gilles Leroy sur le même sujetAlabama Song, prix Goncourt 2007 qui plus est. 
Comme je l'avais déjà lu dans un moment de curiosité mondaine, je connaissais déjà toute l'histoire de la vie  de Zelda, d'autant que le dit Gilles s'est contenté de tout recopier en virant les métaphores (du coup j'ai préféré, mais ça m'embête, pour des causes de propriété intellectuelle).


Le film: Tender is the night, Henry King (1962).

vendredi

Je, François Villon et Le Montespan, Jean Teulé

Un court message pour dire à ma mère que je ne lirai plus jamais les saletés dont elle se débarrasse honteusement en exploitant mon temps de cerveau disponible.
Jean Teulé, je me souvenais de lui dans une émission de télé qui passait sur FR3, L'assiette anglaise, avec Bernard Rapp, le tout estampillé années 80, comme le temps passe. (mais j'avais six ans) (je jouis d'une mémoire exceptionnelle)


Je continue à gâcher mon temps de cerveau pour lui, mais j'ai pas grand chose de mieux à faire ce matin.




Le pire de ces deux romans,  Le Montespan, associe un style grotesque à une inculture crasse. ("très cher, vous n'allez pas vous battre en duel alors que notre roi ensoleillé Louis XIV les a interdit par décret depuis 1626!")


Le moins pire, Je, François Villon, ne mérite pourtant pas de quitter le moindre quai de gare, de toute façon vous aurez fini de le lire avant que le train arrive.


Si vous avez le goût de la langue et un microscopique sens de l'Histoire, fuyez.


Le plus choquant étant les illustrations (!) au cas où on le lecteur avide de culture ne saurait pas à quoi ressemble une gargouille ou une poule versaillaise.






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Je, François Villon, Jean Teulé (2006).

Le Montespan, Jean Teulé (2008).

Un film bien nul aussi écrit par Jean TeuléDarling, de Christine Carrière, avec Marina Foïs et Guillaume Canet, à fuir avec autant d'empressement que les livres précédemment cités. A ma décharge, je faisais du repassage le jour où j'ai vu ce film et comme je repasse rarement, soit je changeais de chaîne et j'abandonnais mes chemisiers, soit je laissais filer et mon allure serait soignée.

Un film de Bernard Rapp, le fameux présentateur de l'Assiette anglaise? un élégant polar autour d'un écrivain et d'un éditeur: Tiré à part (1996).