jeudi

Livres abandonnés

Bloquant à la cinquantième page du Pynchon (L'Arc-en-ciel de la gravité), je sais déjà que je ne le finirai pas (sinon jamais).
J'ai commencé en parallèle la correspondance de Flannery O'Connor, mais je sais déjà qu'en fait, je n'y reviendrai pas.

C'est toujours un problème de ne pas finir un livre commencé.

D'abord, je possède une grande quantité de bouquins qui donnent d'après moi un certain cachet à mon salon, et le fait que certains d'entre eux n'ont jamais été achevés me paraît une sorte de trahison pour le cachet de mon salon, auquel je tiens.
Surtout que je suis hyper nulle en décoration et rangement, alors si en plus les livres envahissants ne sont pas lus, la fin des haricots s'approche.

Ensuite, passée cette question éthico-esthétique, je conclus que ma faible capacité d'appréciation de romans un peu en dehors des clous habituels résume certainement un goût vulgaire et populaire.
Sans être particulièrement snob, je trouve que je vaux mieux que ça. Alors j'essaie, mais j'y arrive pas.

Enfin, en l'occurrence, sur le Pynchon, je bloque par faiblesse intellectuelle; c'est bien simple: je ne comprends rien.
Je sais que c'est fait exprès, mais franchement, ça m'agace de me projeter sur 900 pages à essayer de comprendre ce qui se passe, où, avec qui, quand, pourquoi, comment; je suis bien trop paresseuse pour ça.



Je vais donc abandonner (mais sur ma table de nuit, ça pourra toujours être utile en cas d'insomnie) l'Arc-en-ciel de la gravité, de Thomas Pynchon, tout comme j'ai abandonné:

Ingrid Caven, de Jean-Jacques Schuhl
(sans doute parce que je détestais la personne qui me l'a offert)

Blanche ou l'oubli, Aragon
(aucun souvenir du pourquoi de l'abandon)

L'emploi du temps, Michel Butor 
(gros mauvais souvenir, j'étais malade en plus, donc même si je me dis que je devrais réessayer, je me sens nauséeuse immédiatement)

Théra, Zeruya Shalev
(à chaque fois que je l'attrape, je lis une page et je me dis "non mais je voudrais lire un truc marrant, là")

Le vieil homme et la mer, Hemingway
(il est pourtant pas long, celui-là, mais va comprendre)

Les béatitudes bestiales de Balthazar B, de J.P. Donleavy
(pourtant d'après la 4ème de couverture je devrais aimer, mais la 1ère de couverture me dérange donc je ne l'ai même pas ouvert!) (je raffole pas de Botero et de la cellulite, ça me perturbe) 

D'un château l'autre, Céline
(je peux pas, j'ai pourtant essayé de combattre mes réticences, mais sans succès; par contre j'ai visité le château de Sigmaringen et j'ai jamais eu aussi honte de ma vie parce que la visite guidée était obligatoire et donc j'ai eu l'impression que tous les visiteurs -allemands- nous ont regardé de travers quand on était dans la suite accueillant Laval et Céline) (même si franchement c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité)



***


Des films abandonnés au cinéma? Crash, de David Cronenberg (1996), par pudibonderie.  Land and Freedom, de Ken Loach (1995), pour un rendez-vous amoureux que j'aurais mieux fait de louper!

Un film que j'aurais dû abandonner au cinéma? Les destinées sentimentales, d'Olivier Assayas (1999). Ceci dit on en rigole encore.



lundi

Vie et mort d'Emile Ajar, Romain Gary

J'adore les gens drôles et désespérés, et Romain Gary, justement, il est drôle et désespéré. Et les quarante pages de cet opuscule à la publication posthume, elles sont drôles et désespérées.


Il ne s'agit pas de redondance, mais de cohérence!


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Vie et mort d'Emile Ajar, Romain Gary (1981).

Une citation liminaire? "De ce que la littérature se crut et se voulut être pendant si longtemps -une contribution à l'épanouissement de l'homme et à son progrès- il ne reste même plus l'illusion lyrique." 

Une citation sibylline pour les néophytes? "Je m'attache très facilement."



mardi

D'autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère

Décrire ce livre demande un effort un peu particulier puisqu'il se disperse autant qu'il se concentre.


De mon point de vue, et malgré le titre, il s'agit du récit de l'apprentissage de la modestie et de l'humilité d'Emmanuel Carrère. C'est à la fois heureux et dur. Il raconte comment on (comment il) peut trouver un sens du bonheur malgré la douleur. 


Cela passe par la fidèle relation de différentes discussions ou situations dramatiques qu'il a pu observer, au Sri Lanka d'abord,  pendant le tristement célèbre Noël 2004 et le tsunami qui a ravagé une partie des côtes de la Thaïlande, de l'Indonésie, de l'Inde et donc du Sri Lanka; en France, à partir du printemps suivant, à l'occasion de la mort de la soeur de sa compagne. 


A partir de deux drames, la mort d'une petite fille et celle d'une jeune femme mère de trois enfants, ce sont des histoires d'amour, d'amitié, de maladies, de familles, de conflits, de silences,  de discussions, d'incompréhensions, de luttes, de courage, d'injustice (l'injustice du hasard de l'accident, qui tue ou ne tue pas) et de justice (une grande partie du livre est consacrée au travail de la jeune femme décédée qui était  juge d'instance), qu'il égrène et qui le font lui-même avancer. 






L'auteur du début du livre peut se montrer très snob et hautain au point de parler de "dégoût" quand il entend quelqu'un de plus de six ans utiliser le mot "maman" autrement qu'au vocatif (notamment Ségolène Royal). Je pense que l'auteur de la fin du livre peut se montrer moins intransigeant quant à l'usage tout personnel de la syntaxe de la plupart de ses contemporains (peut-être pas pour Ségolène Royal).


Petit à petit, il apprend à regarder les autres, à les écouter, à respecter leurs choix ou leurs positions même s'ils lui restent incompréhensibles, à aimer la modestie des gens qu'il rencontre. Il se surprend même à vider le coffre des courses et mettre la machine à laver la vaisselle en route, et a priori cet épisode ménager l'a marqué. 


Il apprend à s'oublier un peu, ce qui lui sauve la vie.


Enfin, la langue est belle, les mots justes et l'entreprise certainement honnête, parce que malgré le sujet terriblement tire-larmes, je n'ai que fort peu pleuré (Emmanuel Carrère trouverait ça très petit fonctionnaire et deuxième classe comme réaction, mais bon, on ne se refait pas).


EDIT: mon compagnon de vie dit que je suis vraiment pathétique et que je suis qu'une sociale-traître à me laisser avoir par un bourgeois qui ne cherche qu'à se faire plus de fric et de notoriété sur le dos des souffrances d'autres bourgeois comme lui ou des naïfs comme moi. Il m'a un peu convaincue, je dois dire.





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D'autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère (2009).

Lectures conseillées pendant le récit? Mars, de Fritz Zorn et Le Livre de Pierre, de Louise Lambrichs.


D'autres écrits d'Emmanuel Carrère que j'ai envie de lire? L'adversaire et Un roman russe.


Un film d'Emmanuel Carrère dont j'ai tellement soupé de la bande-annonce au cinéma que j'ai décidé de ne JAMAIS le voir: La moustache, avec Vincent Lindon et Emmanuelle Devos (2005).