samedi

Sévère, Régis Jauffret

Récit de l'affaire Stern, mais à la première personne du singulier (donc comme la narratrice est une femme et l'auteur un homme, c'est un roman, légalement parlant).

Se déroulent les souvenirs a posteriori d'une femme un peu paumée qui, après avoir tué son amant, s'envola pour un tour du monde de quelques jours avant de revenir se faire enfermer par la police helvétique.

Elle entretient pendant des années une liaison compliquée et vaguement immorale avec un type plein aux as et très méchant (la preuve, il tuait des animaux). Après quatre ans de hauts et de (coups) bas, elle lui réclame un million de dollars.
Il les lui donne, puis les lui reprend.
Mauvaise idée. Il aurait mieux fait de continuer à la fouetter dans des hôtels de passe à Barbès, ça la révoltait moins. Elle se fâche, et comme tout le monde s'en souvient, c'est en combinaison latex intégrale et rose que le méchant (qui a peur des loups) se prend une balle dans la tête.

Sévèrement cinglée et sévèrement éliminé, Cécile Brossard et Edouard Stern sont bien traités par Régis Jauffret, qui respecte gentiment, dans la mesure du possible, ses deux sujets et leur histoire.

Une chose est sûre: ce court roman plaira aux inconditionnels des faits divers (du genre de ceux qui veillent pour regarder des rediffusions nocturnes de "Faites entrer l'accusé", malgré Hondelatte en cuir) (j'en connais un, super beau en plus).



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Sévère, Régis Jauffret (2010). 

Un bouquin de Jauffret hallucinant d'inventivité et sombre à mourir? Microfictions! De quoi en remontrer à tous les tenants de l'autofiction!

jeudi

L'enfant volé, Ian McEwan

Londres, une année des JO au début des années 80.



Stephen a perdu sa fille de trois ans au supermarché. Il tente de survivre à ça.



Un sujet facilement larmoyant (on imagine bien ce qu'en aurait fait Emmanuel Carrère!), mais un roman beaucoup plus ambitieux que ça, sur le temps, ce qu'on en fait, comment un enfant est désiré, naît, grandit et s'envole, parfois n'importe quand, ou n'importe comment...

Stephen, sa femme, ses parents, ses amis, un camionneur accidenté, affrontent un passé, des drames, des éternels remords, et tentent d'aller de l'avant, ou en arrière, ou en suspens, chacun à sa façon.

Il s'agit tout de même d'un roman anglais, donc il y a aussi la rédaction en comité Théodule d'un manuel de pédagogie appliquée, les hypocrisies de la politique, des histoires de train et des pots de thé au jasmin... Ah c'était bien! (pas top, mais bien)

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L'enfant volé, Ian McEwan (1987). (en VO: The Child in Time)

Un roman parfait de Ian McEwan à l'intrigue passionnante assorti d'un film pas trop mal: Expiation (2001) (en VO: Atonement), devenu Reviens-moi pour le titre français du film qui reste Atonement en VO. Vous suivez? 


Challenge Woody Allen#5 Nuit de Chine

Avec Mario Poppins*, mon époux noces de cuir, nous avons décidé deregarder une dernière fois revoir notre collection de Woody Allenavant d'enfermer nos DVD pour un nombre d'années indéterminé. Notes ex abrupto.




Don't drink the water *****
(Nuit de chine)

(1994) téléfilm avec Woody Allen, Michael J. Fox


Un petit pays derrière le rideau de fer, 1961. 


Axel Magee (Michael J. Fox) est le fils d'un ambassadeur américain en terre communiste; il profite d'un voyage de ce dernier pour le remplacer et faire ses preuves. Il ne s'avère pas très doué dans sa tâche et c'est malheureusement ce moment qu'a choisi Walter Hollander (Woody Allen, survolté), un touriste américain de Newark, New Jersey, pour prendre à l'insu de son plein gré des photos compromettantes entraînant un effroyable quiproquo diplomatique entre les deux blocs. 






Réfugié avec sa femme et sa séduisante fille dans l'enceinte de l'ambassade, commence un séjour haletant, entre espionnite aigüe, marivaudage romantique et hystérie collective. 


Tout un ballet de personnages à mourir de rire (Axel, Walter, la fille et la femme de Walter, le personnel de l'ambassade -surtout celui qui se prend pour les frères Wright-, l'émir, le prêtre magicien, les policiers soviétiques...), des dialogues ciselés et un sens du burlesque décapant font de ce (télé)film tiré d'une pièce de théâtre écrite par mon héros en 1966, un pur chef d'oeuvre comique.





dimanche

Le facteur humain, Graham Greene

Londres, fin des années 70. 


Dans les locaux secrets de la Boîte (le MI-6 ou 5? ou 7? je ne sais plus mais bon, en gros, chez les espions de l'étranger), Castle et Davis s'ennuient un peu entre deux rapports de leurs correspondants en Afrique.

Maurice Castle a 62 ans, il est las de ce boulot et préfèrerait profiter d'une vie moins secrète auprès de sa femme Sarah, une jeune noire rencontrée en Afrique du Sud lors d'une mission sept ans auparavant, et de leur fils Sam.

Arthur Davis est encore jeune, pressé d'en découdre sur le sol africain, et en attendant d'avoir une vie plus trépidante, il joue aux courses, roule en Jaguar, boit beaucoup et drague Cynthia, sa secrétaire.

Ces deux personnages vont être les principaux objets d'une enquête interne autour d'une fuite supposée, dirigée par le Docteur Percival, un gros connard froid comme un poisson, Daintry, un type honnête et droit, et John Hargreaves alias "C", le patron de la Boîte. 



Le tout sur fond d'idéologies radicales dans un monde encore si proche où les divergences politiques creusaient des tranchées (et des tombes): guerre froide, Apartheid, colonisation, communisme, patriotisme, tout y passe.
Comme toujours chez Graham Greene, l'honnêteté, envers soi ou les autres, la droiture, le bon fond, ne sont pas des choses simples et carrées. 
Les âmes sont souvent torturées; si elles ne le sont pas encore, c'est sans doute pour bientôt. C'est le facteur humain.

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Le facteur humain, Graham Greene (1978). (en VO: The Human Factor)

Un autre roman trépident avec le mot "facteur" dans le titre? Le facteur sonne toujours deux fois, de James Cain!

Mon premier Graham Greene: Le troisième homme, en quatrième: mon premier "livre de grands": une révélation!


mardi

Challenge Woody Allen#4 Another woman

Avec Mario Poppins*, mon époux noces de cuir, nous avons décidé de regarder une dernière fois revoir notre collection de Woody Allen avant d'enfermer nos DVD pour un nombre d'années indéterminé. Notes ex abrupto.




Another woman **
(Une autre femme)

(1988) avec Gena Rowlands, Ian Holmes, Mia Farrow, Gene Hackman



Tout semble sourire à Marion (Gena Rowlands), qui est une femme brillante, professeur de philosophie à l'université, en congé pour écrire un nouveau livre, mariée à un charmant cardiologue qu'elle adore, très belle femme de 50 ans qui assume son âge avec panache. Ils mènent une vie intellectuellement stimulante et socialement intense.

Pourtant, l'écoute involontaire de discussions entre un psychanalyste et sa patiente en détresse (une obsession récurrente chez Woody Allen), qui discutent à l'étage au-dessus de son bureau, fait prendre conscience à Marion des failles dans sa vie et celle de ses proches, par exemple au sujet du manque cruel de relations sexuelles sur le sol.

Au hasard d'une rencontre entre les deux femmes, par un effet qui a certainement un nom dans les milieux autorisés, la déprimée (Mia Farrow enceinte jusqu'aux yeux) se réveille et s'envole pendant que Marion s'effondre. Mais comme elle a de la ressource, elle saura y voir le bon côté des choses et rebondir encore une fois.

Gena & Gene


Another woman n'est pas du tout une comédie, et fait partie de la période disons torturée de Woody Allen. Tout le monde n'aime pas, mais Gena Rowlands est tellement géniale!

dimanche

Station balnéaire, Christian Giudicelli

De Paris à La Grande Motte, vers 1985.

La baronne, une vielle fille minable qui passe sa journée à rêver des délires sado-maso, en adoration secrète devant José, le petit portugais qui sert d'homme à tout faire dans l'hôtel dont elle est gérante.

Marie, une femme de chambre insignifiante et insipide raide dingue de José, son collègue mutique à l'hôtel.

Le père de Marie, alcoolique aux abois, qui compte sur sa nunuche de fille (dont il a oublié le nom) pour survivre jour après jour.

Jacques, un écrivain homosexuel qui utilise deux fois par semaine un petit tapineur répondant au doux nom de José, à des fins sexuelles et littéraires.

José, un sacré petit con.

Tout ça finit mal pour tout le monde (sauf pour l'écrivain qui, on le devine, finira par trouver l'inspiration dans cet ensemble sordide).




Attention roman français typique: autofiction assumée, astuces bidons dans la narration et une fin qui se devine à la page 2, mais ça se laisse lire malgré tout.


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Station balnéaire, Christian Giudicelli (1986).

D'autres Prix Renaudot (Station Balnéaire l'a reçu en 1986 et Giudicelli fait partie du jury aujourd'hui) que j'ai lu: Les Choses de Georges Pérec (1965), et Chagrin d'école de Daniel Pennac (2007). Ouh c'est pas beaucoup, on dirait bien que les écrivains français c'est pas mon truc!


Un autre roman avec un jeune loser paumé qui ne peut pas s'empêcher d'entraîner les autres dans sa chute? Le Rocher de Brighton, de Graham Greene (1938).



samedi

Le facteur sonne toujours deux fois, James Cain

Californie, années 30. Frank Chambers vagabonde, traverse le pays en prenant le train en douce, ne fait rien de ses dix doigts sinon se battre à l'occasion. Un beau jour, il déjeune sans intention de payer dans un boui-boui de bord de route aux portes de Los Angeles, et le patron, un gros grec qui aurait mieux fait de pas se lever ce matin-là, lui propose un boulot et un toit. Frank s'apprete à refuser, mais en apercevant la femme du grec, la belle Cora qui trime en cuisine, il finit par accepter la proposition.

Suivront beaucoup de sexe, d'alcool, de craquements d'os et de sang, sans un mot de trop.



Un roman noir, dense, violent et époustouflant. Je l'ai lu en une matinée, avec quelques pauses pour me remettre et éviter de vomir dans le salon.


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Le facteur sonne toujours deux fois, James Cain (1934).

Deux adaptations cinématographiques: une datant de 1946 avec Lana Turner et l'autre de 1981 avec Jessica Lange et Jack Nicholson.


D'autres romans sombres et tragiques avec un meurtre si simple qui s'avère n'être que le début d'effroyables ennuis intérieurs? Thérèse Raquin, d'Emile Zola (1867) et bien entendu Crime et châtiment, de Dostoïevski(1866)!


Un autre film dans la même veine? Les Diaboliques, d'Henri-Georges Clouzot(1955)!


jeudi

Paris est une fête, Ernest Hemingway

Hemingway et sa femme, Hemingway et Gertrude, Hemingway et Sylvia, Hemingway et Ezra, Hemingway et Francis...

Ernest glande à La Closerie des Lilas, Ernest skie dans le Vorarlberg, Ernest joue au tiercé, Ernest prend le train sans Francis, Ernest en tient une bonne...

A l'occasion, le fantôme de Pacsin, Juan Gris ou Picasso.

Des souvenirs parisiens, entre 1921 et 1926, très alcoolisés et souvent affamés, de discussions passionnantes en compagnie de personnes ayant conscience de leur hauteur dans des lieux qui se veulent encore incontournables.



Je n'ai jamais raffolé d'Hemingway (enfin jusqu'à ce que je voie Midnight in Paris l'autre jour); mais comme j'ai trouvé l'opus (d'époque) chez ma grand-mère qui était vivante quand ces histoires se sont passées, je me suis fait violence et j'ai pas été déçue. 

Cependant, dans le conflit moral qui oppose Fitzgerald, Zelda et Hemingway, je continue à pencher pour la bonne foi de Zelda et trouve la rage d'Ernest envers elle un peu louche.

Par ailleurs, si vous voulez faire un pèlerinage, Gertrude Stein est enterrée au cimetière du Père Lachaise, j'ai aidé des touristes américains à retrouver sa tombe début juillet (moi je cherchais celle de Jacques Duclos pour des raisons qui me sont propres, ainsi que la tombe de mon prestigieux ancêtre).


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Paris est une fête, Ernest Hemingway (publication posthume, 1964).

Un voyage cinématographique au milieu de Paris est une fête? L'excellent Midnight in Paris de Woody Allen.

Pour compléter la saga Ernest-Francis-Zelda évoquée ans les derniers chapitres de Paris est une fête? Accordez-moi cette valse, Zelda Fitzgerald, Tendre est la nuit, Francis Scott Fitzgerald, Alabama Song, Gilles Leroy.

Vous aimez l'histoire de la fameuse libraire anglophone Shakespeare et Cie et toutes ces folles années riches et fécondes autour des plus grands artistes du XXème siècle et d'un de mes âges d'or de Paris? lisez sans attendre Passage de l'Odéon, Sylvia Beach, Adrienne Monnier et la vie littéraire à Paris dans l'entre-eux-guerres de Laure Murat!