dimanche

Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Stefan Zweig


Récit bref d'une brève rencontre, dans une Europe cosmopolite à l'aube d'un XXème siècle de carte postale: les veuves anglaises voyagent de palace en palace, les riches héritiers polonais brûlent la vie par les deux bouts, les danois pêchent à la ligne, les épouses d'industriel lyonnais s'entichent de jeunes élégants, les couples d'allemand partent en randonnée, les écrivains autrichiens lient des amitiés avec tout ce beau monde, le tout sur la Riviera.

En moins de 125 pages (124), c'est tout un monde qui n'existe déjà plus quand l'auteur écrit ce récit, c'est Forster et Dostoïevski, toute la beauté et l'horreur de la passion, celle qui se consume et celle qui n'a jamais commencé, toute la beauté et l'horreur de la raison, celle qui tue et qui sauve. Ouh!

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Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, un récit de Stefan Zweig (1927) (LGF).

Deux adaptations cinématographiques existent: une datant de 1967, de Dominique Delouche avec Danielle Darrieux; l'autre datant de 2001, de Laurent Bouhnik avec Agnès Jaoui.

Une autre évocation des démons du jeu: Le joueur, de Fédor Dostoïevski (1866).

Les palaces, les riches oisifs européens, le cosmopolitisme, les voyages? Avec vue sur l'Arno, d'E.M. Forster (1947), mon roman préféré.

vendredi

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, Harper Lee


Il faut d'abord insister sur le fait que ce célèbre roman fort bien ficelé est destiné à la jeunesse, donc passé treize ans, on trouvera ça cucul-la-praline, à juste titre.

Cela étant dit, pour l'élévation des jeunes gens, ça peut être intéressant, abordant des thèmes importants comme la justice, l'injustice, les différences sociales, la tolérance, et bien entendu le racisme puisque situé dans l'Alabama des années 30 et de la grande crise, il s'agit du sujet central.
La narratrice, Scout, évoque cependant ses souvenirs d'enfance de petite fille un peu agitée, entourée de son grand frère chéri Jem et d'un ami fidèle quoiqu'estival, Dill, sur un ton naïf, léger et souvent drôle, alors que le sujet (la violence des injustices faites à un jeune noir - pourtant propre et fréquentant l'église) permettait facilement de verser dans le larmoyant et la manichéisme primaire.
On n'en est pas loin, mais le pire est évité.

Perclus de bons sentiments, certes, mais écrit à la fin des années 50, à une époque où les problèmes évoqués n'avaient guère été réglés et étaient même d'actualité (conquête des droits civiques des noirs américains), ce roman a du mérite et d'ailleurs il ne cesse depuis d'être une référence en la matière (il fait partie des ouvrages incontournables étudiés dans tous les collèges et lycées des Etats-Unis).
On notera avec ravissement, pour ceux que ça intéresse, que le personnage de Dill a été influencé par Truman Capote, ami d'enfance de l'auteure, Nelle Harper Lee.

La biographie de cette dernière interpelle par ailleurs, puisqu'après avoir connu un phénoménal succès avec ce premier roman, assorti de la gloire d'un prestigieux Pulitzer 1961 et d'une adaptation cinématographique immédiate offrant des oscars notamment au magnifique Gregory Peck qui tient le rôle du père, Atticus Finch, merveilleux de gentillesse, de dignité et de droiture, la jeune femme qui a fini par vieillir n'a plus jamais rien publié.
A ce sujet, des tas de légendes ont circulé: Capote serait le véritable auteur, ses tiroirs seraient pleins mais l'angoisse d'affronter la critique importerait trop à la discrète romancière, ou bien encore elle publierait sous différents pseudonymes... (source: wikipédia, alors si ça se trouve c'est pas vrai!).


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Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, un roman signé Harper Lee, 1960 (Editions de Fallois, Livre de poche).

Deux films où apparait la figure de Nelle Harper Lee sous les traits respectifs de Catherine Keenner et de Sandra Bullock: Capote de Bennett Miller (2005) et Infamous (Scandaleusement célèbre) de Douglas McGrath (2006). J'ai vu les deux, ce sont deux films traités de la même façon sur la même période (l'enquête et l'écriture du roman De sang froid), avec quelques nuances dans l'interprétation des écrits; j'ai préféré Infamous, le méchant était plus sexy et plus... méchant.

Le film tiré du roman To kill a Mockingbird: Du silence et des ombres un film de Robert Mulligan, 1962.


mardi

Quartier lointain, Jirô Taniguchi

Pragmatique et athée, profondément rétive à toute forme de charlatanisme et allergique à la science-fiction, je suis.

Mais y a quand même un truc qui me fascine, m'émerveille, m'éblouit, m'a souvent empêché de dormir et me fait courir à tous les coups: les voyages dans le temps.



Hiroshi est un type qui a vraiment trop de chance: à la faveur d'une erreur de correspondance un jour de gueule de bois, il se retrouve dans un train qui l'emmène à ses dix ans.

...

!

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Quartier lointain, de Jirô Taniguchi, 1998 (Casterman).

Les meilleurs films bousculant les conventions temporelles? Retour vers le futur 1 & 2, de Robert Zemeckis! Mon préféré restant le premier, et le troisième n'ayant aucun intérêt.

La meilleure série de tous les temps passés? Code Quantum! (mention spéciale quand même à Docteur Who, super aussi mais moins, et Demain à la une).

lundi

Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Michel Gondry


Il y a Clémentine, une jeune femme pas gentille qui s'applique à tenter d'être foldingue pour dépasser ses complexes, et Joël, qui ressemble trait pour trait à la personne avec qui je vis (dans le genre gentil, timide, effacé, gentil, portant des polos et un duffle-coat voire une parka quand il neige, coeur d'artichaut, gentil, désolé, gentil, mal rasé, et tellement sage, calme et gentil).


Et puis alors... Un médecin un rien geek a magouillé un programme ingénieux permettant d'effacer de sa mémoire l'existence d'une personne, et de faciliter par là-même les ruptures sentimentales. Clémentine et Joël s'adorent mais comme ils font que s'engueuler car il faut que jeunesse se passe, ils entrent dans diverses circonstances en contact avec le cabinet de ce médecin et de ses employés un rien loufoques (Kirsten Dunst en petite culotte, Elijah Wood, Mark Ruffalo), histoire de s'effacer l'un l'autre.

Nous découvrons ainsi les personnages à travers les mondes passés, présents, rêvés, transformés par la mémoire ou transformables par la technologie. On assiste à une sorte de psychanalyse sous hypnose en différé puisqu'en fait, on sait déjà comment ça finit (ce que j'avais deviné depuis le début, mais on s'en fiche).

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Eternal Sunshine of the Spotless Mind, un film de Michel Gondry (2004).

Un autre film inventif et délirant de Michel Gondry: Be Kind, Rewind (2007), mais j'ai aussi de la tendresse pour son doc musical qui confirme si besoin était mon envie de vivre un jour à Brooklyn et qui je pense a partiellement inspiré Be Kind, Rewind: Dave Chappelle's Block Party (2006).

Un autre grand film avec Jim Carrey: Man on the Moon, de Milos Forman (1999).

Une autre sublime comédie romantique avec Kate Winslet: Sense and Sensibility, de Ang Lee (1995), adapté du roman de Jane Austen (1811).





dimanche

L'insoutenable légèreté de l'être, Milan Kundera


Tomas, Tereza, Sabina, Franz, Nietzsche, les gargouillis, les cheveux qui sentent le sexe d'une autre, le printemps de Prague, les micros dans les murs, le médecin laveur de carreaux, la serveuse photographe, Zurich, l'éternel retour, Prague, Genève, Paris, les hasards, la trahison, Beethoven, le Cambodge, la révolution du kitsch.
Qu'est-ce qui est pire? la pesanteur? la légèreté? comment diriger sa vie, la dirige-t-on vraiment, doit-on avoir des regrets, doit-on continuer à avancer, quitte à aggraver une situation déjà désespérante?
On ne s'ennuie pas, en somme.

La construction baroque a un sens et le plus bluffant dans ce roman à tiroirs reste l'annonce prématurée de la fin, ce qui donne une intensité encore plus dramatique à la conclusion.
Le type de la postface (François Ricard) parle de Kundera en tant qu'écrivain du désespoir, nous étions donc faits pour nous entendre.

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L'insoutenable légèreté de l'être, de Milan Kundera, 1984 (Gallimard).

Envie de voir l'adaptation cinématographique? C'est The Unbearable Lightness of Being, de Philip Kaufman, sorti en 1988 avec le magnifique Daniel Day-Lewis, Juliette Binoche et Lena Olin.

Un autre tchèque de génie: Milos Forman, le réalisateur de mes films situés au XVIIIème préférés (Amadeus et Valmont).

vendredi

Nouvelles histoires du Wyoming, Annie Proulx

Je n'ai fichtrement aucune idée de où peut bien se trouver le Wyoming sur une carte des Etats-Unis; pas grave, a priori les habitants du Wyoming non plus!
Ne connaissant Annie Proulx que de lointaine réputation, j'imaginais une série de nouvelles sordides, ou cruelles, ou dures, à la fin desquelles je ne pourrais m'empêcher de pleurer comme une madeleine.
Il y en a, cela dit j'ai énormément ri, voire été prise au dépourvu, notamment par quelques saillies surréalistes.
Des péquenots et des loosers, certes d'abondance, mais toujours traités avec respect et bienveillance, en quelque sorte, notamment les héros récurrents traînant au bar Pee Wee à Elk Tooth (nulle part et partout, au Biergarten du coin on doit trouver les mêmes!).
La plupart des personnages sont grotesques, mais pas dupes d'eux-même.
La morale de ce recueil, dont la première nouvelle porte le délicieux titre équivoque Le Trou de l'Enfer pourrait être que le monde n'a peut-être rien de bien joli, mais on s'en remettra.

Et c'est ce que nous annonçait l'épigraphe, après vérification...

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Nouvelles histoires du Wyoming, d'Annie Proulx, 2004, (Le Livre de Poche).

Où l'on comprend que les paysans du Wyoming peuvent aussi avoir des sentiments : Brokeback Mountain, un film dramatique tout ce qu'il y a de plus dramatique, de Ang Lee, 2005, d'après une nouvelle d'Annie Proulx, justement, ouah le monde est petit!

Rocher de Brighton, Graham Greene


J'ai découvert Graham Greene à l'âge treize ans, avec une scolaire lecture du Troisième Homme. J'ai alors décidé qu'il n'y avait pas grand chose d'autre à attendre de la vie que de bons livres, et j'en suis heureuse. Sur la couverture de mon exemplaire, il y avait Orson Welles traqué en plein Vienne de l'après-guerre, et quand plus tard j'ai vu le film, je me suis dit qu'il n'y avait pas grand chose d'autre à attendre de la vie que de bons films. Et après on me reproche de n'avoir aucune ambition!

Il s'agit d'une sorte de roman psychologique à suspense avec tout un tas de personnages déglingués et perdus. Son rapport torturé avec le catholicisme apparaît une fois encore, renforcé par la jeunesse des héros, à la fois purs et impurs, sacrifiés et incapables de se sauver ou d'être sauvés, prisonniers de leur destin, et qui ont trente-trois ans à eux deux (l'âge du Christ!).

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Rocher de Brighton, de Graham Greene, 1938 (Robert Laffont, Pavillon Poche).

Un autre titre faisant référence à des bonbons: Sucre d'orge, un recueil de nouvelles de Tennessee Williams!



Oscar Wilde, Arthur Conan Doyle: romans croisés



Récemment, deux lectures m'ont fait par hasard croiser Conan Doyle et Oscar Wilde.


Le premier roman, Arthur & Georges, de Julian Barnes, présente une biographie romancée de Sir Arthur Conan Doyle, célèbre créateur de Sherlock Holmes, croisée avec un célèbre fait divers britannique autour d'un personnage relativement sot et antipathique quoiqu'innocent, George Eladji.
Le roman peut paraître un peu inégal, puisque face au héros malheureux, poursuivi, victime de racisme, naïf et pas très éveillé, on est transporté d'allégresse et d'admiration pour la personnalité extraordinaire de Doyle, un homme honnête, intègre, droit, doué, aux multiples
facettes (médecin, auteur célèbre, sportif de haut niveau), curieux de tout...
Evidemment, l'opposition de ces deux personnalités est nécessaire à l'intrigue et au projet d'innocenter cet imbécile de George, mais comme le style suit, les chapitres concentrés sur ce dernier (c'est chacun son tour) ont du mal à décoller, ça finit par être lassant, d'autant que toute la fin du roman évoque la passion pour le spiritisme de Conan Doyle, et comme on ne marche pas une seule seconde, on s'écarte vraiment du polar haletant promis au départ.

Cela étant, une belle découverte, donnant l'envie de découvrir un peu mieux Sherlock Holmes!

Et par le plus grand hasard, annonçais-je, j'ai retrouvé Conan Doyle en tant que personnage de roman dans un polar assumé cette fois, acquis pour passer l'été dans la plus grande tradition, dont le détective n'est autre qu'Oscar Wilde, plus célèbre pour son dandysme et son procès en "grave indécence" que pour ses quelques romans, contes et nouvelles, qui gagneraient à être plus lues.
L'auteur, Gyles Brandreth (une sorte de people VIP anglais d'après ce que j'ai compris de la notice bio?) réussit un bel exercice de synthèse biographique et de récupération spirituelle, du coup le roman, à l'intrig
ue pas folichonne, se laisse lire avec beaucoup de plaisir, puisque les bons mots à la manière de (voire de tout court) Wilde égayent franchement le récit. Nombre de personnages ont vraiment existé, dont Doyle, sa femme, le narrateur Robert Sherard, ainsi que la plupart des lieux ou anecdotes évoquées, ce qui rend le tout beaucoup plus intéressant que je ne le craignais. J'attends la suite!


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Arthur & Georges, un roman de Julian Barnes, 2005 (Mercure de France, Folio).

Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles, un roman policier de Gyles Brandreth, 2007 (10/18 coll Grands Détectives).

Plus qu'un héros de roman fidèle et spirite, l'auteur Sir Arthur Conan Doyle: les aventures de Sherlock Holmes.

Plus qu'un détective amateur, goinfre et dépensier, l'auteur Oscar Wilde: Le portrait de Dorian Gray, Le crime de Lord Arthur Savile...

Pour retrouver le médecin qui inspira le créateur de Sherlock Holmes: Professeur Bell, une série BD de Joan Sfar!