mardi

D'autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère

Décrire ce livre demande un effort un peu particulier puisqu'il se disperse autant qu'il se concentre.


De mon point de vue, et malgré le titre, il s'agit du récit de l'apprentissage de la modestie et de l'humilité d'Emmanuel Carrère. C'est à la fois heureux et dur. Il raconte comment on (comment il) peut trouver un sens du bonheur malgré la douleur. 


Cela passe par la fidèle relation de différentes discussions ou situations dramatiques qu'il a pu observer, au Sri Lanka d'abord,  pendant le tristement célèbre Noël 2004 et le tsunami qui a ravagé une partie des côtes de la Thaïlande, de l'Indonésie, de l'Inde et donc du Sri Lanka; en France, à partir du printemps suivant, à l'occasion de la mort de la soeur de sa compagne. 


A partir de deux drames, la mort d'une petite fille et celle d'une jeune femme mère de trois enfants, ce sont des histoires d'amour, d'amitié, de maladies, de familles, de conflits, de silences,  de discussions, d'incompréhensions, de luttes, de courage, d'injustice (l'injustice du hasard de l'accident, qui tue ou ne tue pas) et de justice (une grande partie du livre est consacrée au travail de la jeune femme décédée qui était  juge d'instance), qu'il égrène et qui le font lui-même avancer. 






L'auteur du début du livre peut se montrer très snob et hautain au point de parler de "dégoût" quand il entend quelqu'un de plus de six ans utiliser le mot "maman" autrement qu'au vocatif (notamment Ségolène Royal). Je pense que l'auteur de la fin du livre peut se montrer moins intransigeant quant à l'usage tout personnel de la syntaxe de la plupart de ses contemporains (peut-être pas pour Ségolène Royal).


Petit à petit, il apprend à regarder les autres, à les écouter, à respecter leurs choix ou leurs positions même s'ils lui restent incompréhensibles, à aimer la modestie des gens qu'il rencontre. Il se surprend même à vider le coffre des courses et mettre la machine à laver la vaisselle en route, et a priori cet épisode ménager l'a marqué. 


Il apprend à s'oublier un peu, ce qui lui sauve la vie.


Enfin, la langue est belle, les mots justes et l'entreprise certainement honnête, parce que malgré le sujet terriblement tire-larmes, je n'ai que fort peu pleuré (Emmanuel Carrère trouverait ça très petit fonctionnaire et deuxième classe comme réaction, mais bon, on ne se refait pas).


EDIT: mon compagnon de vie dit que je suis vraiment pathétique et que je suis qu'une sociale-traître à me laisser avoir par un bourgeois qui ne cherche qu'à se faire plus de fric et de notoriété sur le dos des souffrances d'autres bourgeois comme lui ou des naïfs comme moi. Il m'a un peu convaincue, je dois dire.





***

D'autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère (2009).

Lectures conseillées pendant le récit? Mars, de Fritz Zorn et Le Livre de Pierre, de Louise Lambrichs.


D'autres écrits d'Emmanuel Carrère que j'ai envie de lire? L'adversaire et Un roman russe.


Un film d'Emmanuel Carrère dont j'ai tellement soupé de la bande-annonce au cinéma que j'ai décidé de ne JAMAIS le voir: La moustache, avec Vincent Lindon et Emmanuelle Devos (2005).


1 commentaire:

Jack et Nath. a dit…

J’ai acheté ce livre. Acheté ai-je dit. Pas lu. Je ne lis plus. J’ai ramené mes 30 caisses de livres au Québec, mais depuis, la machine à lire est bloquée.je vais essayer de développer ça. Lacan et Jung à la rescousse peut-être?
'' un roman russe'', lu celui-là, j'étais encore en Europe, succès de librairie mérité.
La moustache, film évitable.( je n'ai pas dit de prendre ses jambes à son cou.)